De Fibres et de Papier

Cet article est un remerciement à l’auteur Patrick Benoiton et l’illustrateur Jean-Benoit Héron pour avoir réalisé le très beau livre intitulé Des Gréements & des Voiles1

Livres

Merci Messieurs pour cet ouvrage accessible à tous publics, mais qui, du fait d’un formidable travail de documentation et de recherches historiques, tient une digne place aux côtés des Bonnefous & Pâris, Nares, Randier, Ashley, Devillers, pour les « grands classiques » d’une part.

L’appel du large

Et d’autre part, en tant que sublime ouvrage sur le patrimoine immatériel, il vient se ranger au côté de L’appel du large – Matelotage traditionnel et arts populaires marins2 de Gabriel Richir.

Merci d’avoir enfin su faire un ouvrage dédié aux gréements en tant que tels, pour eux-mêmes dans toute leur diversité, universalité et dans leurs profondeurs historiques.

L’art du gréage [est un domaine essentiel] pour qu’un navire puisse être ce qu’on désigne et distingue par métonymie un « gréement ».

Car, force est de constater au moins trois choses :

  1. On a trop vite condamné la marine à voile à l’oubli dans « l’entre deux guerres » au profit du tout pétrole. Énergie fossile déjà sur le déclin au bout d’un petit siècle d’hégémonie absolue. À l’échelle de l’histoire de l’humanité, l’ère du fioul c’est un pet de mouche. Par contre ça pue et ça pollue comme jamais ne le ferait aucun concert de pets de tous les êtres vivants de la planète réunis.

  2. Une charpente navale, si belle et technique soit-elle, fait surtout des coques. Lesquelles restent des bouts de bois ou d’alu, d’acier ou, pour ce qui se fait de pire, de la multicouches d’époxy, qui flottent. Flottants mais mobilis in mobile : prout. Sans moyen de propulsion et sans énergie propulsive, une coque reste un objet flottant indéterminé. Par exemple, on sait qu’une goélette se distingue d’un ketch par les hauteurs et disposition des mâts. Mais dégréez et d’un seul coup d’œil, dites lequel est un ketch et lequel est une goélette… Ça éveille en moi une envie de jouer à « c’est quoi la différence entre …? ». Par exemple :

    • C’est quoi la différence entre un Ultim et une Pirogue à balancier ?
      Enlevez ses “ailes” à l’Ultim et on ramènera vite des équipiers munis de pagaies pour essayer d’aller se frotter aux rameurs des pirogues maories du pacifique.
       
  3. Malgré l’ignorance totale des institutionnels, que ce soient ceux des Métiers d’Art ou ceux de la Conservation du Patrimoine qui tous donnent la part belle aux métiers nobles de la charpente, et bien l’art du gréage, qui comprend donc principalement matelotage et voilerie, est un domaine de plusieurs savoir-faire essentiels pour qu’un navire puisse être ce qu’on désigne et distingue par métonymie un « gréement ».
    Et pour cause. Et ce n’est pas tout qu’il soit gréé.

L’art du marin à commencer par le gabier est essentiel à la manœuvre des gréements « tradis »

Des Gréements & des Voiles

Après l’art du gréeur, du voilier et du mateloteur, c’est l’art du marin à commencer par le gabier qui est essentiel avec la manœuvre qui est pour des gréements, a fortiori « tradis » un savoir-faire en soi et requiert du métier. Métier qui doit pourtant continuer à se transmettre.
Les institutionnels, à commencer par le Législateur, font les trois singes 🙈 🙉 🙊 sur le sujet parce que la formation des gabiers, en France, a été simplement passée par-dessus bord et « à-dieu-vat ». Ce malgré le fait qu’un décret datant de 1866, jamais abrogé (donc juridiquement toujours en vigueur selon les lois constitutionnelles), détaille justement les contenus et les savoir-faire de la manœuvre d’un gréement quel qu’il soit, à commencer par le matelotage soit : savoir tourner une manœuvre et maîtriser un ensemble de nouages.

Le récent Manuel du Gabier – L’Hermione frégate du XII3, corrige partiellement ce manquement par cette démarche didactique, appliquée à un navire emblématique. Mais, outre l’initiative livresque qui pose la théorie, la Fondation Hermione, propose une solide formation pratique initiale se retrouvant dans de nombreux équipages de l’actuelle flotte de « traditionnels », toutes catégories confondues. Lesquelles se croisent aux rassemblements maritimes, des suites du concours du Chasse-Marée4 de 92, et grâce au travail de passionnés de diverses structures publiques ou privées armatrices et/ou exploitantes telles que, pour la France :

Soit une flotte remarquable. Et les autres non moins remarquables, La Cancalaise, La Grandvilaise, Nébuleuse, N.D. de Rumengol, Grand Léjon, Biche, Krog & Barz, Marie-Fernand, Mil’pat, Neire Maove, etc.

Tiens d’ailleurs, au passage :

  • C’est quoi la différence entre une Bisquine ?
    • Heuuu… un tiers de fierté, un tiers de fougue, un tiers de panache ?
    • Ha ba nan y a pas de fougue sur un gréement au tiers… par contre dans les équipages…

Des Gréements & des Voiles

Des Gréements et des Voiles1 apporte en complément à toutes initiatives navigantes ou de papier, la culture maritime indispensable pour savoir d’où nous venons, (et on revient de très loin), et vers quoi nous allons (et, dès que le vent soufflera, nous nous en allerons - de requin) dans les possibles (re-)devenir d’une nouvelle marine à propulsion vélique. Derechef, merci pour ça.

Bon allez, pardon aux auteurs et à l’éditeur d’avoir ainsi profité de leur travail pour “balancer” et “brasser” un peu de bois et d’air.

Une dernière pour la route (du Rhum ou du Cidre) ?

  • C’est quoi la différence entre un Doris et un Imoca ?
    Eh bien enlevez lui ses “ailes” et mettez un aviron au cul d’un Imoca juste pour voir s’il frime toujours autant à la godille…

Merci, bisou.


  1. Patrick Benoiton & Jean-Benoît Héron (2024). Des Gréements & des Voiles. Glénat par l’éditrice Marion Blanchard↩︎

  2. Gabriel Richir (2008). L’appel du large – Matelotage traditionnel et arts populaires marins. Éditions Point de Vues. ↩︎

  3. Yann Cariou & Sandrine Pierrefeu & Jens Langert (2018). Manuel du Gabier – L’Hermione frégate du XII. Éditions de Monza. ↩︎

  4. Le Chasse-Marée : https://www.chasse-maree.com ↩︎