Cet article pourrait être une banale histoire d’Amour sauf que, si c’est bien une histoire d’Amour, elle n’est pas banale. Et pour cause, Amour c’est un grand coquiller de Brest. Plus précisément pour les connaisseurs, c’est une construction des chantiers Tertu à Rostellec (Presqu’île de Crozon), de 1969 à partir des plans du coquiller Général Leclerc, lequel est classé Monument Historique. Amour est le fruit d’une collaboration entre Marc Neveu, charpentier de marine à Cannes et Auguste Tertu en presqu’île de Crozon.
Amour, n’est donc certes qu’un bâtiment et non un monument, mais a plus d’un intérêt en plus d’être patrimonial.
En premier lieu il a travaillé au commerce et est armé pour la charge avec une capacité de cale de 8 tonnes. Le tout dans 20m³ d’espace utile soit un peu plus qu’un demi EVP (standard container). Ce qui fait son intérêt principal car destiné à devenir un caboteur, au service du transport de marchandises à la voile.
Ensuite il est immatriculé à Camaret-sur-Mer et son port d’attache serait Audierne. Afin qu’il puisse faire route, à partir du Cap Sizun et caboter vers les différents ports et îles du littoral breton en dessertes locales, y embarquer et débarquer du fret produit ici et là dans une perspective de dynamique d’échanges commerciaux durables, éthiques, solidaires avec une empreinte environnementale la plus faible possible, du fait essentiellement de son mode de propulsion, le vent, cette énergie infiniment renouvelable et en abondance en Bretagne, à la différence du pétrole…
Après quoi, pour ne pas faire état dans cette histoire d’Amour que des intérêts patrimoniaux, techniques, environnementaux, ce bateau est une histoire de personnes qui aiment et l’intérêt est social, civil. Franck Gaborit et sa famille, propriétaires et à l’initiative du projet associatif-collaboratif Les Amarres d’Amour, qui a pour but de créer des relations, des attaches, des liaisons. Autant de liens avec d’autres initiatives similaires, avec des gens de métiers traditionnels – dont Trigorioù –, avec des professionnels du commerce – comme le Kraken-Bonoloco (Port du Bono dans le Golfe du Morbihan) – avec des producteurs locaux, avec les populations, avec des acteurs de l’ESS, avec des acteurs institutionnels du maritime et les collectivités territoriales, avec des marins expérimentés et des marins professionnels en devenir. C’est le cas de l’équipage qui se constitue, avec une volonté et une motivation forte. Des idées, des ambitions, des valeurs, des objectifs qui se résument avec quelques mots tels que coopération, collaboration, co-développement, participation. Enfin, donc, du haut de son grand mât, ce qu’est Amour, ce qui fait les Amarres d’Amour, c’est l’intérêt collectif. Pour la planète, pour l’avenir, pour le bien-être de chacun, pour une forme de résilience, pour ceux qui viendront après nous, pour une meilleure qualité de vie globale.
Et nous à Trigorioù, nous soutenons cette démarche, et nous avons passé la première semaine de chantier de re-gréage pour accompagner l’équipage. Outre le faire, en trouvant des solutions low-tech en cordages, en éprouvant des nouages techniques sur des cas pratiques, nous avons transmis du savoir faire en atelier quotidien, après la journée dédiée au gréement. Afin que chaque membre d’équipage, Franck, Pierre, Léo, acquiert une maitrise technique des cordages et des noeuds, monte en compétence en tant que marins de cabotage professionnels à la voile.